Présentation en dialogue

Renaud : Notre monde est en crise à tous les niveaux. Les institutions qui pouvaient hier nous rassurer, se révèlent fragiles et pas toujours fiables. Devant un tel constat, nous sommes souvent déboussolés, perdus, ne sachant plus en quoi ou en qui mettre notre confiance.

 

Malgré tout, beaucoup de gens réagissent et cherchent des solutions : il suffit de regarder dans une librairie le nombre de livres qui proposent une nouvelle façon de vivre, un retour à la terre et au respect de la nature, une pratique de philosophie ou de spiritualité, une introduction à la méditation, …

 

Olivier : Cette recherche, cette aspiration montre combien notre monde a besoin de ciel. Nous avons besoin de retrouver une ouverture sur la lumière. Il est essentiel de redécouvrir le symbolique pour ne pas se laisser piéger par les lumières artificielles des visions matérialistes (nihiliste, consumériste, pragmatique, managériale …) qui chosifient la vie, qui réduisent l’être humain au quantifiable et qui font du monde et des vivants de simples ressources à exploiter.

 

Le symbole est une passerelle qui unifie la vie. De nombreuses traditions disent que l’être humain se situe à la jonction du ciel et de la terre car il est l’être qui relie ciel et terre. Mais sans symbole l’être humain n’y arrive pas. Il est happé par le flux du monde ou se perd dans le vide intersidéral. Le symbole nous permet de nous orienter sur la voie telle qu’en parle Lao-Tseu ou de cheminer vers ce que Jésus nomme le royaume.  

Ce royaume ne relève pas d’une topique. Il n’est ni un lieu ni un horizon. La voie ne conduit nulle part.  La voie est une manière de cheminer et le royaume est une manière de vivre. Il ne s’agit donc pas de s’envoler vers le ciel et encore moins de le faire descendre sur terre – on sait où nous conduisent les eschatologies religieuses et laïques. L’enjeu est tout autre. Il s’agit de marcher sur la terre des vivants en étant soi-même un vivant ; c’est-à-dire de vivre sur terre dans l’ombre et la lumière à la lumière du ciel.

 

Renaud : Nous, moines bénédictins, savons bien que notre Tradition chrétienne recèle des trésors de sagesse pour les moments de crise. On les a oubliés souvent ou amalgamés avec les caricatures qu'on se fait de l'Eglise. Par exemple, les sages du Moyen-âge nous disent qu'il y a quatre livres à ouvrir pour entendre la parole que Dieu nous adresse : la Nature, la conscience (ou le cœur profond), les Ecritures Saintes et la Liturgie.

 

Olivier : Les quatre livres dont parle Frère Renaud correspondent analogiquement à la quadripartition décrite par l’anthropologie, à savoir les domaines de la Fécondité pour la Nature, de la Force pour les Ecritures Saintes, de l’Intuition pour la Conscience et de la Souveraineté pour la Liturgie. Il ne s’agit ni de faire du syncrétisme ni de suivre le courant New âge. L’enjeu est autre : rendre à César ce qui appartient à César tout en reconnaissant aussi qu’une même intuition peut se dire différemment dans d’autres traditions et d’autres corpus. 

 

Notre Ecole de vie propose de réexplorer ces domaines afin de les habiter. Il s’agit d’emprunter un chemin dialectique et dialogique qui va de la terre au ciel et du ciel à la terre en s’engageant dans une praxis qui nous demande de penser notre pratique et de pratiquer notre pensée. Ce chemin est un chemin de liberté, on y apprend à être celui qu’on devient. La création est bonne. Le monde est beau. Les fruits sont bons. La vie est bonne à vivre. Il est bon de vivre en frères sur la terre des vivants.   

Le Livre de la Nature

Renaud : La Nature, c'est la création : Dieu se révèle en créant et chaque créature dit quelque chose de Celui qui l'a modelée. Chaque Créature porte une parole venant de Dieu, une parcelle de son Verbe. Une plante ou une étoile a quelque chose à dire de la part de Dieu et attend de nous une réponse, une responsabilité. Saint Bernard de Clervaux disait : " Croyez-en mon expérience, vous trouverez quelque chose de plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres vous apprendront ce que les maîtres ne sauraient vous enseigner ». En réalité, l'enseignement est ici le sens du symbole, l'analogie comme clef de l'Univers, la force de la métaphore.

 

Olivier : Emmanuel Falque rappelle que création, incarnation et résurrection sont un même acte en trois mouvements. Notre rapport à la terre ne relève pas de l’éthique : il ne s’agit pas de veiller à ne pas polluer et de veiller à produire/consommer de manière durable, mais de comprendre qu’en tout vivant existe une étincelle divine et qu’à l’oublier on en oublie la nôtre. D’autres traditions expriment cette intuition à leur manière : pensons à tradition amérindienne, au chamanisme de la Mongolie, à la sagesse de nos ancêtres celtes ou simplement à la pensée de Hildegarde ou de Pierre Rabbit.

 

Le livre de la nature ou le domaine de la fécondité : re-devenir fécond d’une fécondité équilibrée telle qu’elle se donne dans la nature (mode de la sous-optimisation). Se mettre à l’écoute de la nature, de notre corps et des rythmes naturels. Comprendre les liens d’interdépendance. Reconnaitre le dualisme dialectique du temps cyclique (nuit/jour). S’engager dans un travail manuel : jardin, potager, maraîchage, apiculture, travail du bois, de la terre, … Retrouver une alimentation saine (bio, circuits-courts, saisons) et réapprendre à cuisiner. Transformer des produits : confiture, baume, huile, … Découvrir le monde des plantes nutritives, aromatiques et thérapeutiques. S’engager dans un travail psychocorporel (yoga, danse, chant, …). Jouer (jeux, musique, …). Entreprendre une démarche artistique. Réparer des objets. Prendre soin de soi, des lieux et du monde. La fécondité :  œuvrer dans la beauté.

 

Renaud : Nous apprendrons ainsi qu'à l'Univers créé, le  macrocosme, correspond le microcosme de notre être à nous, les hommes. 

Le Livre de l'Intériorité

Ainsi, nous osons y pénétrer et ouvrir le second livre, celui de l'intériorité, de la conscience : le cœur profond. Dans le psaume 4, il est écrit " Frémissez, ne péchez pas ; sur votre couche : méditez : paix et silence ! Offrez de justes sacrifices et soyez sûrs du Seigneur." Le français fait entendre l'impératif " méditez", mais l’hébreu dit " parlez en votre cœur". L'expression Parlez "en votre cœur" se dit « BilBaBcem ». Ce mot contient trois fois la lettre Beth. Cette lettre se traduisant "maison", c'est comme si le psaume nous invitait à descendre dans notre maison la plus intérieure : pas celle des sens, ni celle de la raison, mais celle du cœur profond. Descendez jusqu'à cette chambre secrète en vous. Tendez l'oreille aux gémissements et aux appels inarticulés qui y retentissent. Nommez-les, verbalisez-les et vous apprendrez ainsi à prier, à mettre des mots sur vos désirs et vos souffrances pour les offrir à Dieu.

 

" Celui qui se connaît lui-même a réalisé quelque chose de plus grand que de ressusciter un mort." dit un apophtegme.

 

Olivier : Cet apophtegme me fait penser à l’incipit écrit sur le temple du Parthénon : gnauti se auton : le célèbre « connais-toi toi-même ». Vivre c’est se connaître en co-naissant avec l’autre. On y entend résonner le mythe d’Œdipe, de l’oracle à la sphinge/sphinx. On y entend Khrisna parler à Arjuna. On y reconnait les enseignements du Bouddha, de Lao-Tseu, d’Aboulafia et de Sohravardi. On y retrouve les controverses philosophiques de Socrates à Deleuze, en passant par les phénoménologues, ainsi que les débats entre psychanalystes de Freud à Kaës en passant par Jung et Winnicott. On y entend enfin nos contes, de Grimm à Harry Potter, en passant par les mangas. Comment revenir du « bois dormant » si ce n’est en entendant notre désir d’être source de joie ? Si ce n’est en entendant que nous le sommes ? 

 

Le livre de l’intériorité ou le domaine de l’intuition : se re-mettre à l’écoute des voix qui viennent d’ailleurs : de l’intérieur (l’inconscient, le désir, la soif, les rêves, …) et de l’extérieur (l’Esprit Saint, l’inspiration créatrice des muses, les visions, les livres, …). Creuser une intériorité par un travail réflexif et un questionnement (philosophique, existentiel, spirituel). Se laisser creuser par ce qui nous inspire (lectio). Apprendre à discerner. Entrer dans un travail de discernement avec un accompagnateur. Réapprendre le silence par la prière, la méditation, l’oraison, la contemplation, le lâcher-prise. Se laisser travailler par ce qui nous traverse et bouleverse (désir, émois, évènement, …). Descendre dans nos tréfonds. Cheminer dans l’abîme et les ténèbres. Reconnaître et assumer notre finitude, notre solitude et nos incertitudes, comme l’écrit J.M. Longneaux. Mais c’est aussi recouvrer la lumière et la présence du Divin. L’inspiration : œuvrer dans la présence. 

Le livre des Ecritures saintes

Renaud : Quand on a trouvé la porte du cœur, nous pouvons nous approcher du troisième livre, les Ecritures Saintes qui vont appeler chacun à assumer sa propre vocation, son appel spécifique et à prendre place dans un vivre ensemble, dans une communion à construire. Abraham appellera une multitude à se reconnaître comme héritiers de son expérience. Moïse réveillera une troupe d'esclaves amnésiques de leur propre identité pour en faire petit à petit un peuple. Jésus établira 12 apôtres qui constitueront un corps vivant encore aujourd'hui. Et la règle de saint Benoît organise la vie des moines dans l'atelier du monastère.

 

Olivier : Le travailleur social que je suis retrouve ici la description des étapes du processus d’individuation/subjectivation. J’y entends aussi les débats initiés par l’analyse institutionnelle et l’antipsychiatrie : il n’est de politique sans clinique et de clinique sans politique. C’est ici que se noue l’articulation dialectique et dialogique entre la personne et le collectif. Comment être soi sans se conformer aux attentes des autres et sans s’en exclure ? Comment aimer sans dévorer et sans se laisser dévorer ? Comment équilibrer justice et affects ? A quelle fin travailler ?  

 

Le livre des Ecritures Saintes ou le domaine de la force : re-trouver la force qui nous permet de prendre position dans la relation et place dans le monde. Témoigner d’une Parole habitée par Dieu. S’engager dans l’existence. Comprendre les liens d’inter-indépendance. Travailler, aimer, protéger sa famille et ses amis, porter un projet, orienter, guider, assumer une fonction de chefferie, assumer sa présence aux autres, accueillir ce qui vient (évènement) et celui qui vient (étranger, altérité), donner forme à sa foi et/ou à ce en quoi on croit.  La force : œuvrer dans l’amour et la justice. 

Le livre de la Liturgie

Renaud : Enfin, le dernier livre nous fait exulter du chemin parcouru et célèbre la liberté retrouvée. Il est surprenant de découvrir qu'en hébreu, le mot pour dire liturgie, culte veut d'abord dire esclavage, ensuite travail, service et enfin culte.

On a là le résumé de l'Exode en trois sens pour un seul mot.

 

Olivier : Un des ouvrages de Christophe Dejours se nomme « Ce qui a de meilleurs en nous, honorer la vie et travailler ». Travailler n’est pas produire (ni des biens ni des services). Honorer la vie par notre existence. Exister, c’est entrer en liberté, car c’est décoïncider tant avec nos émois qu’avec le flux du monde. Exister, c’est engager sa tête, son corps et son cœur. C’est s’unifier dans et par un acte. On dirait du Hegel, mais on entend aussi Jullien, Jollien et Pavese, Tchouang Tseu ou encore Tecumseh le chef Shawnee. Exister, c’est louer la vie. C’est habiter pleinement l’existence. C’est être dans la présence à soi, au monde, aux autres, à la vie et au Divin. C’est entrer dans son devenir, apprendre à être co-créateur, entrer dans sa filiation et transmettre la vie et/ou les conditions de possibilité de la vie. Et c’est enfin comme l’écrit Netzahualcóyotl remercier et rendre grâce.  

 

Le livre de la liturgie ou le domaine de la souveraineté : réapprendre à assumer la souveraineté d’un sujet qui honore la vie et loue Dieu par son être. Assumer sa parole et sa présence au monde. Être souverain de soi-même (assumer ses décisions et ses responsabilités en répondant de soi et surtout en répondant à). Retrouver la souveraineté que nous donne notre filiation. Se découvrir digne de vivre, d’aimer et d’être aimé. Accepter de vivre pleinement notre incarnation de manière unique. Témoigner du Père. La souveraineté : œuvrer dans la liberté et la vérité.

Renaud : L'école que nous vous proposons est celle qui va puiser à ces quatre livres, comme à quatre puits d'eau qui donne vie. C'est l'école de Vie.

 

Olivier : L’enjeu de notre Ecole de vie est de nous permettre de redécouvrir notre dignité d’être un vivant.  C’est en s’en souvenant qu’on parvient à assumer notre finitude dans la confiance et la sérénité. On peut alors rendre grâce à Dieu par notre existence. Le célébrer par la liturgie et à travers les rites. On peut alors louer la vie et les vivants. Entrer dans la joie et la félicité. On peut alors rendre vrai ce en quoi on croit et Celui en qui on croit. Rendre vraie la Parole de Celui en qui on place sa confiance.

 

Notre école est ouverte à toute personne qui cherche à donner forme à son espérance ou qui mène un combat avec des forces de désespérance. Elle est ouverte à la personne qui croit que Dieu existe, à celle qui croit qu’Il n’existe pas et à celle qui croit qu’Il se nomme d’un autre nom.

 

Notre école ne propose pas un programme de formation. Elle met à disposition des espaces d’enseignement où l’on jette au large et généreusement les miettes d’un pain de Vie. Elle invite à repérer et à suivre les cailloux posés sur nos chemins. Elle initie des lieux où l’on peut laisser trainer des bouts de ficelles que l’on peut attraper pour (re)tisser nos existences.

 

Activités 

Le Livre de la Nature : promenade contemplative, jardin et maraîchage, transformation de produits (cuisine, baume, …), enjolivement des lieux,  initiation à la lecture du monde et à la compréhension de sa symbolique,  cours de cuisine, …

Le Livre de l'Intériorité : accompagnement dans le discernement, retraite, méditation, lectio, visualisation, cours de yoga chrétien, travail psychocorporel, travail d'intériorisation des symboles et des archétypes, …

Le livre des Ecritures saintes : session, d'hébreu, WE thématiques, journées spirituelles, cours de philosophie, groupe de lecture, retraites thématiques, séminaires, conférences, témoignage de sa foi, participation à des tâches communautaires,   …

Le Livre de la Liturgie : offices, eucharistie, oraison, journées thématiques sur les sacrements et les rites, lecture de la règle de St Benoit, réalisation d'icônes, travail de dorure, chants, …

Pour les détails et les dates voir les sites du monastère et l'agenda des activités de La Relève

Contacts : 

Monastère St remacle : accueil@wavreumont.be / 080 28 03 71

La Relève : olivierphilippart@lareleve-wavreumont.be / 0493 567 764